Nous sommes à quelques jours du mois béni du Ramadan et à chaque fois qu’il approche, j’ai la même sensation, les mêmes souvenirs qui remontent. Il y a des moments qui ne se remplacent pas, qui ne s’effacent pas. Il y a des rencontres que l’on n’oublie pas, et ce malgré le temps… qui passe et nous éloigne.
Ça faisait à peine plus d’un an que j’étais en France métropolitaine, toute nouvelle, arrivant de Mayotte. Je ne connaissais pas grand monde mais j’avais la chance d’habiter chez ma tante et je n’étais donc pas totalement seule. Je la suis très reconnaissante. Mais une envie d’indépendance m’a prise et j’ai fait le nécessaire pour trouver un logement étudiant. Sans grande difficulté (bizarrement d’ailleurs) j’ai eu un studio à Paris, dans le 11 ème arrondissement. Aussitôt j’emménage et commence ma nouvelle vie de solitaire. Mes amis étaient partout, sauf dans le coin. En réalité beaucoup évitaient la région Ile-de-France, connue pour être bien trop cher pour les étudiants. J’avais un 18m2 pour 445€, donc je les comprends. Heureusement que l’APL et la bourse existent n’est-ce pas? Même avec ça, il est souvent difficile de joindre les deux bouts. Mais malgré tout, j’étais bien dans mon petit chez moi. Je croisais des locataires de temps en temps, un « bonjour », un « bonne soirée » en quittant le hall d’entrée et ça s’arrêtait là. Ça a duré ainsi environ 3-4 mois, puis …
PUIS UN JOUR TOUT A CHANGÉ…
Quand on dit que la communication est la clé de beaucoup de choses, c’est vrai. Il a suffit d’aller au delà du simple bonjour pour faire ces rencontres inoubliables. Ma mémoire me fait défaut, je n’ai pas les dates exacte en tête, c’était en 2015. Mais je me souviens que ça a d’abord commencé avec ma voisine de porte (droite pour être plus précise). Elle est d’origine tunisienne et moi comorienne. Le courant est passé, puis elle m’a présenté à sa voisine de droite, sénégalaise, ensuite à ma voisine de gauche, sénégalaise aussi. Ce fut le début d’une belle complicité qui entre temps a connu des hauts et des petits bas mais dont je ne garde finalement que le meilleur.
Ce bien fou de ne plus se sentir seule, de pouvoir demander de l’aide en cas de besoin, de pouvoir discuter et se découvrir des points communs. Et justement, il se trouvait que nous étions (et sommes) toutes musulmanes et ça avait son importance contenu du sujet dont il est question. Petit à petit c’etait devenu normal de prendre de nos nouvelles, de se rendre visite, de partager des repas. À tel point que lorsque le mois de Ramadan est arrivé, c’était comme une évidence. Ça paraît exagéré mais j’ai beaucoup d’émotions en y repensant, tellement j’ai adoré cette période de ma vie. D’autres voisins nous ont rejoint (le Sénégal en force). Parfois nous avions des invités, plus on est nombreux mieux on mange. D’accord, je viens de l’inventer celle-ci. Mais concrètement il y avait toujours assez de nourriture pour tout le monde. On se recevait à tour de rôle, on contribuait financierement pour l’achat des ingrédients selon les besoins. On mangeait les plats des unes et des autres: J’ai découvert le thiéboudienne (le plat national du Sénégal, tellement bon d’ailleurs), les briques tunisienne… J’ai fais découvrir le pilawu, les couscoumas… Bref, un vrai régal.
Ce qui était super dans tous ça, c’est que peu n’importe nos occupations dans la journée ( les cours, le travail) nous étions sûres de pouvoir bien manger le soir en rentrant grâce à cet élan de solidarité et de générosité. Quand on sait que des étudiants meurent seuls dans leurs chambres et parfois même de faim, j’étais consciente de la chance énorme d’avoir cette convivialité. Avec la crise sanitaire actuel ce ne sera pas aussi évident pour beaucoup de partager des moments comme ceux-là. Être à plusieurs, manger, rire, sans la peur de se transmettre ce pénible virus. Mais je vous encourage malgré tout à créer des liens avec vos voisins, c’est très important. Avant même vos parents et frères sœurs qui se trouvent peut-être à l’autre bout du monde ou à des centaines de kilomètres, ce sont les premiers qui pourront vous aider, vous secourir, vous dépanner. J’en ai eu la preuve à maintes reprises.
LA FIN D’UNE ÉPOQUE, LE DÉBUT DE NOS NOUVELLES VIES
Mais comme toute belle histoire, la nôtre avait une fin. Au fur et à mesure que le temps passait, les choses ont commencé à changer. Il faut dire que nous étions toutes devenues des squatteuses. Plus personne n’avait le droit d’être là. L’idée selon laquelle on trouve un emploi et un logement après à la fin de nos études reste utopique. En attendant on perd des avantages qui nous plongent (presque) dans une situation de précarité. Alors non, il n’est pas facile de rendre les clés pour aller dormir dehors. Et c’est la réalité de beaucoup de jeunes.
Cela dit, nous avons réussi à en sortir. Je ne sais plus dans quel ordre c’est arrivé mais il y a eu des mariages, des voyages, des déménagements, des heureux événements. Ma Sali, ma Maymouna, ma Hadjara ma Ilhem et ma Hadi, toutes ont quitté la résidence seules ou à deux pour leurs nouveaux projets. J’ai connu un mois de Ramadan sans elles, puis à mon tour, en dernier, je me suis mariée et j’ai enfin déménagé. Que des changements positifs, un pas vers une nouvelle vie, le début de notre présent. Bien sûr que c’était des bonnes nouvelles, mais pour moi les départs étaient une déchirure. C’était comme une famille, j’y étais attachée. Je pense que chacune de nous l’était à sa manière, mais la vie devait suivre son cours. Les belles histoires d’amour, le travail … Aujourd’hui nous sommes dispersées en France, au Sénégal, en Angleterre… Certaines sont mamans, d’autres le seront Incha’Allah.
Pour conclure, j’ai beaucoup aimé les trois années passées dans cette résidence. Mon dernier Ramadan était aussi rempli de solidarité avec mes nouveaux voisins, très sympathiques. Mais je n’arrêtais pas de penser aux deux premiers, à tout ce qu’on aurait pu faire, tous ensemble réunis. Parfois j’ai envie de revivre cette époque malgré les galères financières et les petits coups de blues. Tout ça pour connaître à nouveau ces agréables moments de partage. Un grand Merci la team FAR1 pour votre générosité ❤. J’en garde de très bons souvenirs.
Ah c’était la belle époque ! On mangeait tellement bien !
Bon, voilà les amis! Ce n’est pas tout mais j’ai des préparatifs à faire pour ce mois béni. Les samoussas et les couscoumas doivent remplir le frigo. Je n’aurais pas les saveurs de la Tunisie et du Sénégal, mais je vous ferai partager ceux des Comores en attendant peut-être un jour, de possibles retrouvailles.
Madeleines Donas ssamoussas Pilawu Couscoumas précuits Goudou Goudou
Bon courage à tous!
Amicalement,
NasYou.